« Dites 32 ? »
17 mars 2021
Depuis le 8 mars, les 70 députés, membres de la Commission spéciale sur le projet de loi « Climat et Résilience », poursuivent son examen, article par article, comme c’est la règle. Avant la discussion et le vote en Assemblée plénière c’est la Commission qui sculpte le projet. Fin de l’exercice de l’examen des 65 articles du projet, vendredi 19 mars. Ce sera ensuite l’examen en séance plénière, jusqu’au 15 avril date du vote solennel du texte après incorporation (ou pas !) d’amendements.
Plus de 4 600 amendements ont été déposés dont 1 500 par les seuls députés de la majorité. Le sujet est d’importance. Chacun le sait et pas seulement les parlementaires.
Dimanche dernier, 14 mars, la Commission examinait le Chapitre II du Projet de loi ainsi dénommé : « Améliorer le transport routier de marchandises et réduire ses émissions ». Améliorer et réduire : tout un programme en quatre articles : l’article 30 qui prévoit la suppression progressive de l’avantage fiscal sur la TICPE « dans l’objectif d’atteindre un niveau équivalent au tarif normal d’accise sur le gazole d’ici le 1er janvier 2030 ». En clair, cela signifie la suppression du remboursement partiel de la TICPE aux entreprises du secteur ; l’article 31 qui introduit dans le code des Transports la formation à l’écoconduite pour les conducteurs de transport routier ; l’incontournable article 32, symptôme fiscal de cette majorité, habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance pour permettre la mise en place, par les régions, d’une contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises ; enfin l’article 33 qui prévoit l’intégration des émissions des transports de marchandises dans la déclaration de performance extra-financière (DPEF).
30 et 32 : on accroit de nouveau la pression fiscale sur le transport routier ! Sans imagination, sans optique environnementale… Mais que cherche-t-on ?
Certains députés ont défendu des amendements de suppression de la mesure fixée par l’article 30. Reprenant l’argumentation soutenue par l’OTRE qui est de rappeler “d’handicaper les entreprises françaises déjà lourdement concurrencées”. Et de réaffirmer encore que la profession de transporteur routier est d’accord pour accompagner la transition énergétique mais qu’en l’espèce “c’est un signal punitif pour les transporteurs” a déclaré un parlementaire.
Mais c’est bien l’article 32 qui a retenu l’attention et l’énergie des opposants. En vain. Au prix d’un artifice de langage contenue dans cet article 32, la loi « … permett[ra] aux régions d’instituer des contributions spécifiques assises sur la circulation des véhicules de transport routier de marchandises ». Certes, le mot « Ecotaxe » n’est pas employé. Mais l’artifice est là qui semble légitimer, peut-être, le rapporteur du texte, d’écrire dans un tweet qu’il n’y a pas de retour de l’écotaxe puisque… le mot ne figure pas dans le texte ! Dont acte. Mais est-ce sérieux ? Et le même parlementaire d’ajouter « qu’il ne s’agit pas de tuer la filière, mais bien de l’accompagner dans une transition. » en favorisant « (…) le transport des marchandises par des moyens moins émetteurs de gaz à effet de serre (ferroviaire, fluvial…)”. Argument classique, éculé, usé, défraîchi à force d’être ressassé. Accompagner ? Mais en quoi ? Et puis comment ? A quel niveau ? Les flux de marchandises par le routier c’est 85 % du fret ! On veut inverser ? Utopie ! Mais que cherche-t-on ? Certainement pas l’objectif environnemental !
« Dites 32 ?». A cette seule évocation d’une écotaxe régionale, voire départementale, les appétits de recettes nouvelles s’aiguisent pour les capter dès que possible : L’Ile-de-France y est favorable en Ile-de-France. En Bourgogne-Franche-Comté et en Nouvelle Aquitaine ont fait déjà des additions… En revanche, en Bretagne, Normandie et Hauts-de-France, on reste opposé au dispositif de l’article 32. On se souvient des propos du Président nordiste « Une écotaxe, tant que je serai à la tête de cette région, c’est ‘niet’. Je n’ai pas envie de flinguer le transport routier auquel je suis attaché (…) Jamais je n’accepterai une telle taxe » (Cf. Le Figaro 4 février 2021).
Encore une fois et malgré nos rappels incessants mais sans échos, nous ne pouvons que déplorer que l’écologie soit le prétexte d’une surenchère de contraintes, de normes et de taxations supplémentaires. Pourquoi recourir à ces mesures punitives ? Pourquoi toujours privilégier la rentabilité budgétaire ? Pourquoi le Chef de l’État dénonce-t-il d’un côté une fiscalité trop pesante et de l’autre engage-t-il le processus de l’article 32 ?
« Vae victis » (Malheur aux vaincus), disait le chef gaulois Brennos en contemplant Rome qu’il venait de vaincre.
« Dites 32 ? » Et le transport routier tousse, s’enrhume, s’étouffe (de rage ?) car il risque bien, dans cette histoire d’être le vaincu !
Jamais nous ne nous y résoudrons !
Philippe BONNEAU